La voix(e) du vide

TCA : un mal tourné contre soi

 1. Pourquoi ?



Il était une fois un enfant. C'est l'histoire d'un paradis perdu, au bout de cette enfance. C'est l'enfant qui meurt, pour que naisse un adulte. Mais l'enfant n'est pas prêt : pas prêt à mourir, à être enseveli. Il a un jour, cet enfant, le sentiment de n'être plus (ce petit d'homme qui faisait sourire), de n'être pas encore (cet adulte inconnu).

 

Au fond, il faut faire mal à l'enfant pour que naisse l'adulte ! C'est la période de l'adolescence.


Il avait des parents, l'enfant, seuls êtres au monde qui lui ressemblent et dont il était sûr.


Et puis on grandit. On prend du poids. On est mal dans cette peau toute neuve, trop grande. Trop grosse.


On grossit aussi ! Plus vite quand on est une fille que quand on est un garçon. On grossit plus, et surtout ça se localise à des endroits clés (ventre, fesses, cuisses). C'est ainsi que certaines filles jettent sur leur « nouveau corps » un regard négatif. C'est mou, cette graisse qu'on n'avait pas. « Cette graisse qui me vient là, ce n'est pas moi », dit cet enfant. Qu'il aimerait l'arracher !!! Comme on sépare le maigre du jambon du gras. Mais c'est un acte de violence. Déjà : il se fait mal.


Il y a autre chose. Le corps change, et le désir aussi. Ce désir obscur qui vient d'on ne sait où, cette envie de lier les corps, cette pensée pour le sexe opposé (parfois), ce désir qu'on voit dans l'œil de l'autre et qui fait peur. Une pensée lui vient, à l'enfant, s'il est fragile  : Si cet autre ressent du désir pour moi, c'est « de ma faute », « je l'ai provoqué ». « Donc je suis coupable », se dit cet enfant-adolescent. « Il faut donc que je sois puni ». Qui peut  mieux me punir que moi même ! Il cherche à se protéger, ou bien à se punir, ou les deux !


Une personne, pour avoir la certitude d'exister, « de peser quelque chose » doit être en harmonie, de corps et d'esprit. A l'adolescence, elle peut perdre cette harmonie, car le corps change. Et on n'a rien demandé ! Le malaise (« mal » aise) vient : on perd son harmonie, et avec elle ses repères, et avec eux sa confiance. Le terrible, c'est que c'est « dedans », à l'intérieur. C'est « moi ». On en est donc responsable. Si ça arrive, c'est qu'on n'a pas pu l'empêcher. Donc on se sent nul. Si on est nul, c'est qu'on « fait mal ». Alors on se fait mal.


2. On fait mal... alors on se fait mal !



On se sent sale (on se sent « seule »)



Il y a encore autre chose. Parfois, l'anorexique ou la boulimique sent une grande colère contre les autres : qui ne l'entendent pas ; qui ne la comprennent pas ; qui la disent « si Douce et si Facile ». Mais cette jeune fille est incapable au fond d'assumer sa colère et sa violence à l'égard des gens qu'elle aime : comment peut-elle, elle la « si parfaite », la « si gentille » avoir de telles pensées. C'est pour tout dire impossible. Son inconscient s'arrange alors pour « tourner » le problème (« tourner le mal ») : la malade retourne sa violence contre elle.


Mais l'anorexie ou la boulimie, c'est aussi ce moyen de tourner à nouveau une certaine violence (la maladie) contre son entourage. Quelle violence plus forte, symboliquement, que celle que l'on construit autour de l'alimentation, base des premiers échanges entre l'enfant et le parent !!!!! C'est peut-être pour ceci que la malade se sent coupable.

 

Elle se sent nulle aussi, de ne pas y arriver, de ne pas pouvoir s'en empêcher, de dissimuler… Elle est nulle, elle « fait mal ». Et elle se fait mal, puisque étant nulle, elle n'a pas le droit au bonheur !


A travers l'hyperactivité physique, par le froid qui les envahit, par la crise de boulimie ou les vomissements auxquels ils succombent, les malades éprouvent des sensations fortes. Dans une vie où tout est terne, où rien ne leur fait plus jamais plaisir, quoi de plus « désirable » que cette « émotion ». Au fond, se punir, c'est une émotion à portée. Peut-être faut-il voir là la pulsion de certaines malades à se blesser (cutter, couteau, rasoir…) ? Eux qui ne s'autorisent aucun plaisir, cette douleur les fait exister.


Peut-être parfois en est-il de même, chez certains malades, à l'égard du mal qu'ils font, à leur corps ( !) défendant, aux autres : cette violence que les autres subissent au travers de moi me donne une existence. Or pour exister, que ne ferait pas l'inconscient !


Loin de nous l'idée de résumer toute l'anorexie ou toute la boulimie dans ces quelques réflexions : certains s'y reconnaîtront, d'autres refuseront tout en bloc, pour d'autres encore, le problème est bien différent (et tout ceci ne les concerne pas), chez d'autres enfin, l'idée fera son chemin.


Mais ce qui est sûr, c'est que retourner le mal contre soi, c'est plus facile et moins culpabilisant que contre les autres.


Ce qui est sûr aussi, c'est que ce n'est jamais la bonne solution : il y a trop de bruit de fond, trop de puissance.


La solution passe par plusieurs étapes : reconnaître sa colère, la « digérer », et la transformer en une pensée et un comportement plus facile à manier ! Au fond, c'est bien ça qu'on fait à chaque repas, avec les aliments : les reconnaître comme « aliments pour moi », les digérer, les transformer en nutriments, plus faciles à utiliser !

 

Source: www.anorexie-et-boulimie.fr



15/05/2010
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